Le 11 janvier 2018, alors que nous intervenons (Frank Dhermain, Johan Jimenez, Emilie Desmarest) avec les pompiers pour secourir un Ziphius mâle vivant réfugié dans le port de Cassis, nous sommes informés par des pêcheurs que le cadavre d'un autre animal de grande taille flotte devant l'entrée du port. C'est effectivement un Ziphius cavirostris, femelle (absence de dents), assez frais, flottant obliquement, la tête hors de l'eau et quelque peu abimée par des goélands. Un cordage est passé autour du pédoncule caudal et le cadavre est remorqué jusqu'à la plage de Cassis, puis tiré sur le goudron d’une ruelle adjacente par le camion des pompiers, avec l’accord de la collaboration de la municipalité cassidaine. Nous prenons les mensurations, le cadavre est isolé du public par des barrières et du rubalise.

L’autopsie a lieu le 12 janvier 2018, après que Madame la Maire de Cassis soit passée nous saluer et s’informer des circonstances de ces échouages, à partir de 9h. L’équipe réunie comprend Johan Jimenez, Emilie Desmarest, Laurent Gaillard, et d’autres agents (Parc national des Calanques),  Frank Dhermain, Julie Jourdan, Hélène Labach et Maire Larivière (GECEM), Adrien Gannier (GREC) et un pompier de la Ciotat.

La femelle de 545 cm est en bon état de conservation (DCC1 à 2). L’œil est vitreux, sans bulle de gaz dans le vitré, et les seules marques sur le corps sont celles signalées précédemment sur le crâne. Il y a peu de marques sociales sur le corps, présence d’une cicatrice blanche de 5 cm sur le flanc gauche. L’animal semble en bon état d’embonpoint, avec une épaisseur de lard satisfaisante ( 5 cm) . Plusieurs kystes parasitaires sont présents dans l’épaisseur du lard, certains frais, d’autres remplis d’une substance caséeuse, d’autres purulents. Ils évoquent les larves plérocercoïdes de cestodes comme Phyllobothrium delphini.

A l’ouverture de la cavité abdominale, peu d’écoulement séro hémorragique. Quelques bulles de gaz sont plaquées sous la séreuse péritonéale qui enveloppe les muscles abdominaux, très nombreuses bulles coalescentes dans les gros vaisseaux qui irriguent le péritoine.

Il y a de nombreuses bulles également entre la capsule rénale et les rénicules. Plusieurs abcès superficiels sur le parenchyme rénal. Quelques Crassicauda dans les reins, 3 à gauche, 4 à droite, en trop faible nombre pour provoquer de graves lésions.

Le foie est d’aspect normal, non congestionné. Le pancréas est épais et couvert de bulles de gaz, mais normal à la section. Les estomacs sont normaux, renfermant plusieurs dizaines de becs de calmars et quelques cristallins de céphalopodes. Présence de quelques parasites de petite taille, vraisemblablement nématodes, dans les estomacs : Anisakis ?  Les intestins sont d’aspect normal, non congestionnés.

Les poumons sont d’aspect normal, non congestionnés. Les nœuds lymphatiques n’en sont pas hypertrophiés, non plus que ceux des autres organes.

Les vaisseaux du rete mirabile ne sont pas du tout congestionnés et de diamètre faible. Il n’y a pas de bulle visible. Il y a en revanche quelques bulles de gaz dans les vaisseaux coronariens. Les veines caves et l’aorte abdominale ne présentent pas non plus de particularité notable. Le cœur est d’aspect normal également, les sections de myocarde et l’examen des valvules ne montre rien.

Il n’y a pas d’épanchement hémorragique au niveau du plexus thoracique, sous la gorge, dans l’appareil hyoïde. Les deux mandibules sont désinsérées et la graisse mandibulaire interne est saine, claire, dépourvue d’hémorragie. Pour atteindre les bulles tympaniques, l’ouverture des sinus ptérygoïdes les révèle plein de bulles spumeuses blanches. Les os tympaniques et périotiques sont collectées intact des deux côtés et placés dans du formol après retrait de l’étrier.

Finalement, alors que l’équarrisseur est déjà en train d’emporter les premières parties du cadavre et que le temps presse, la boîte crânienne est ouverte à la scie chirurgicale oscillante, grâce à une rallonge électrique mise à disposition par la municipalité, et l’encéphale se révèle également dépourvu d’hémorragie.

L’équarrissage, appelé la veille pour un enlèvement en fin de matinée (il ne travaille pas l’après-midi), arrive à 13 h. A sa demande, il a fallu tronçonner le Ziphius en trois morceaux, par décapitation atlanto-occipitale, et section entre deux vertèbres lombaires.

Tous les organes ont été prélevés en congélation et formolisation, et des bulles de gaz ont été prélevés par des seringues étanches et collectés dans des tubes secs sous vide.

Frank Dhermain