Les scientifiques se demandent depuis longtemps pourquoi les baleines - à fanons, comme les baleines à bosse et les baleines bleues, et certains cétacés à dents, comme les cachalots et les orques - parcourent jusqu'à 18 840 kilomètres chaque année entre leurs aires d'alimentation dans les eaux polaires et les mers tropicales plus chaudes. Auparavant, les chercheurs pensaient qu'après s'être nourris dans l'Arctique ou l'Antarctique, les baleines se rendaient dans les tropiques pour donner naissance loin de leurs prédateurs habituels.

Pour découvrir la véritable raison des migrations, une équipe de chercheurs dirigée par Robert Pitman, écologiste marin au Marine Mammals Institute de l’Oregon State University, a déployé 62 balises satellites sur les 4 types d’épaulards qui peuplent les eaux antarctiques. Après avoir suivi les baleines au cours de huit étés, les scientifiques ont découvert que certains individus avaient parcouru jusqu'à 9400 kilomètres jusqu'à l'ouest de l'océan Atlantique Sud, effectuant l'aller-retour en seulement 42 jours. Mais ils ne l'ont pas fait pour mettre bas: des photographies prises par l'équipe ont révélé des épaulards nouveau-nés dans les eaux antarctiques. L'hypothèse «se nourrir dans le froid, se reproduire dans la chaleur» en prends donc un coup ..

Les chercheurs savaient également que les baleines, comme les humains, perdent continuellement les cellules cutanées externes. "Vous pouvez suivre les baleines à bosse qui migrent le long de la côte est de l'Australie simplement en suivant la traînée de cellules épidermiques qu'elles perdent", explique Pitman. Mais dans les mers froides de l'Antarctique, les baleines sont apparemment incapables de muer. Au lieu de cela, elles accumulent un film épais et jaune de diatomées microscopiques sur leur peau. Des concentrations élevées de diatomées peuvent accumuler des bactéries potentiellement nocives, affectant à la fois les épaulards et les baleines à fanons.

Les scientifiques «avancent un argument convaincant» au sujet des orques, explique Richard Connor, biologiste des cétacés à l'Université du Massachusetts, Dartmouth, qui n'était pas impliqué dans l'étude. Mais il doute que l'idée s'applique à toutes les espèces de baleines. Par exemple, dit-il, les nouveau-nés à fanons sont «extrêmement vulnérables» aux orques prédateurs. Donc pour eux, "Le coût d'être mangé est beaucoup plus élevé que le coût de muer dans des eaux plus froides."

"En tant que scientifiques, nous avons tendance à rechercher des théories unificatrices des phénomènes", ajoute Peter Corkeron, un scientifique des mammifères marins du New England Aquarium qui a co-écrit une étude en 1999 avec Connor soutenant l'hypothèse « se reproduire dans la chaleur pour éviter les prédateurs. «Mais les épaulards et les baleines à fanons sont des animaux très différents. Pourquoi s'attendre à ce que leurs mouvements soient tous régis par les mêmes processus écologiques ou physiologiques? »

Pourtant, les deux scientifiques admirent la nouvelle étude, en particulier la suggestion selon laquelle les chercheurs devraient étudier comment la mue des baleines affecte les écosystèmes océaniques. "La plupart des gens ne considèrent pas la mue de la peau comme importante pour les baleines", explique Pitman. "Mais c'est un besoin physiologique important; perdre sa peau est une défense de première ligne contre les maladies et les bactéries. »

Traduction de l'article du Science Mag

Source : "Skin in the game: Epidermal molt as a driver of long-distance migration in whales"  Pitman et al. 2019.